guillaume bonnel photographie

OBSERVATOIRES PHOTOGRAPHIQUES DES PAYSAGES

Qu’est-ce qu’un observatoire photographique du paysage ?

La démarche d’observatoire photographique des paysages est pratiquée en France et dans d’autres pays européens depuis les années 1990. Elle consiste à demander à un photographe auteur de construire une vision d’un territoire grâce à un certain nombre de points de vue photographiés, choisis en concertation avec la collectivité commanditaire.

La conciliation du regard sensible et subjectif de l’auteur avec la description d’un espace enjeu de politiques publiques fait toute la richesse de cette démarche. L’artiste y travaille à partir de ses émotions mais aussi des connaissances transmises par le biais d’un cahier des charges et d’échanges avec les divers spécialistes du lieu ; loin d’être encombrantes, elles vont au contraire venir alimenter sa matrice créative. De l’alchimie de cet assemblage résulte un dépassement d’une opposition entre arts et savoirs. Car le photographe intègre dans son processus créatif un matériau de départ parfois technique ou scientifique, apporté par des paysagistes, forestiers, écologues, géographes, sociologues, urbanistes, acteurs du patrimoine…

Alors que la créativité du photographe est souvent suscitée par l’étonnement ou le dépaysement, l’artiste construit ici son regard en pleine conscience des particularités du lieu. Son écriture photographique, le choix des lumières, du cadrage, du point de vue, de sa juste distance en  tant qu’observateur… sont nourris par cette double matière première : perceptions sensorielles immédiates et savoirs acquis.

Les images d’observatoires photographiques du paysage sont le résultat plastique de cette hybridation. Ce qu’elles montrent n’est pas le paysage, mais le paysage photographié, cette réinterprétation de la réalité par le photographe. Dotées de plusieurs niveaux de lecture, elles montrent qu’émotions et connaissances peuvent aller de pair, et qu’il n’est aujourd’hui plus possible de les opposer.

La matière essentielle de cette approche est aussi temporelle. Car l’enquête visuelle et sensible menée par le photographe est projetée vers l’avenir, au moyen d’une « rephotographie », ou « reconduction » des points de vue à intervalle régulier. Elle livre donc, en plus du regard personnel de l’auteur, une actualisation intermittente de ce regard qui révèle l’évolution du paysage. Cet inlassable retour sur les lieux, presque dix ans pour l’observatoire de la forêt de Saoû par exemple, bouscule une vision de la photographie comme choix « décisif » établi une fois pour toute. Le photographe revient encore et encore, se confronte à chaque fois à l’émotion qui a suscité la première image, en ré-éprouve la fragilité. Il devient peu à peu l’expert visuel d’un lieu, dont il tisse lentement le récit d’une micro-histoire.

Au bout d’un certain nombre d’années, ce photographe d’observatoire finit par avoir en mémoire des centaines de points de vue, qui constituent comme les éclats multiples d’un vaste paysage mental à recomposer.

G. Bonnel