guillaume bonnel photographie

OBSERVATOIRE PHOTOGRAPHIQUE DES PAYSAGES DU PARC NATUREL REGIONAL DES LANDES DE GASCOGNE

Commande pour le Parc naturel régional des Landes de Gascogne, initiée en 2015. Mise en place d’un itinéraire photographique de 63 + 37 points de vue reconduits en 2017 et 2021. Exposition et catalogue « Paysages en mouvement » à l’Ecomusée de Marquèze du  31 mars au 4 novembre 2018.

Les paysages du Parc naturel régional des Landes de Gascogne sont de prime abord déroutants. Systématicité, apparente monotonie, brutalité de l’anthropisation… L’industrie forestière imprime son rythme aux structures paysagères, donnant à voir un espace marqué par l’écoulement du temps. Les plantations imposent leurs temporalités multiples, de grandes cohortes de pins se succèdent dans le paysage, une forêt de vieux arbres pouvant laisser place en quelques semaines à un champ de bataille de sable nu, prêt pour le démarrage d’un nouveau cycle. À certains égards l’imagerie d’un «Far West» surgit au fil des recherches visuelles sur ce territoire : gigantisme des espaces agricoles, routes tranchant le paysage avec une désespérante rectitude, espaces productifs chargés de technicité, lieux de vie dispersés comme autant de « bouts du monde » où la vie semble surgir de nulle part. Un autre « plat pays » qui plus est, où le moindre élément vertical (pin, chêne centenaire de l’airial, citerne, pylône électrique, candélabre, tour de guêt incendie…) prends des allures de point cardinal peuplant le bleu du ciel. Pourtant, en rester à cette première impression serait passer à côté d’une autre réalité de cet espace qui nécessite une expérience immersive du paysage. Car derrière l’apparent monolithisme sylvicole, presque aussi structuré qu’un vignoble, se cachent des aspérités paysagères plus complexes, liées au caractère récent de la couverture forestière. Sous cette strate visuellement omniprésente perdurent les formes du système agro pastoral d’avant 1857 et de l’ancienne lande humide : nappes phréatiques affleurantes, lagunes, rivières magnifiques à fond sableux, forêts galerie sauvages, habitat traditionnel adapté à un milieu difficile, système de l’airial… La conception d’un itinéraire photographique y est plus qu’ailleurs un travail d’investigation visuelle appuyé sur une solide documentation en amont, des repérages de terrain avec les techniciens du PNR, et des rencontres in situ avec les élus. Car ces espaces malmènent le photographe et ses affects, tant les changements d’ambiances et d’atmosphères y sont imprévisibles et radicaux, une petite route bucolique serpentant sous un boisement de pins vénérables pouvant déboucher sans préavis sur une immense zone maraîchère aux allures de steppe. Au sein de ces paysages secrets, l’intégration des pratiques locales s’est avérée précieuse, comme celle qui veut que l’inconnu arrivant dans un airial isolé sera toujours  accueilli avec curiosité.

G. Bonnel