guillaume bonnel photographie

OBSERVATOIRE PHOTOGRAPHIQUE DE LA FORÊT DE SAOÛ

Commande pour le service des Espaces naturels sensibles du Département de la Drôme, 2013-2014. Mise en place d’un itinéraire photographique de 40+60 images reconduites en 2014, 2017, 2019, 2021 et 2023. Exposition « L’horizon des événements » à l’Auberge des Dauphins, maison de site de la forêt de Saoû, du 2 juillet au 6 novembre 2022. Publication de l’ouvrage « Synclinal » édité par le Département de la Drôme en 2021. Mise en place d’un portail web dédié à l’Observatoire photographique de la forêt de Saoû.

[ Extrait de l’introduction de l’ouvrage « Synclinal » publié en 2021 ] : « C’est là une spécificité de ce travail photographique consacré à la forêt de Saoû : un écart avec une vision panoramiste du paysage. Les images, inscrites dans ses plis et replis, révèlent la forêt de Saoû par fragments, là où la photographie est souvent convoquée comme un vecteur d’élargissement de la vision, qui fournit au gestionnaire des lieux un point de vue surplombant, panoptique censé faciliter l’analyse : cartographie, projection dans l’espace, occupation des sols… Chaque image est ici davantage comme un petit point lumineux, une luciole éclairant imparfaitement une ombre immense qu’il faut deviner, comme une métonymie visuelle. L’ensemble n’est donné que par morceaux discontinus, qui font revivre l’immersion du photographe dans sa découverte progressive des lieux. La forêt se dévoile lentement et de l’intérieur, de façon serpentine. Le récit photographique déroulé par ce livre, en invitant le lecteur à se mettre dans les pas du photographe, met donc aussi son imaginaire au travail.
Mais pouvait-il en être autrement dans cet immense pli forestier, où les perspectives se sont refermées avec le temps, et où la forme du synclinal elle-même est de plus en plus difficile à percevoir pour le visiteur, hormis depuis ses extrémités les plus élevées ? La vision d’un horizon dégagé est paraît-il un gage de bien être selon des recherches récentes en neurologie et psychologie du paysage. Pourtant, faire l’expérience de la forêt en photographe c’est au contraire abdiquer ce goût pour le regard qui embrasse et domine, accepter un abandon immersif et en somme, se laisser faire. Le pouvoir structurant du regard photographique, qui met en scène l’espace pour en proposer une interprétation, est mis à rude épreuve. Et ce sont donc davantage des motifs paysagers épars qui sont montrés ici. Mais ce que les images perdent en faculté organisatrice ou en exhaustivité, elles le regagnent en symbolisme : un arbre brisé en trois morceaux révèle la possible violence naturelle des lieux, les ruines d’une ferme ou des traces de charbonnage font comprendre comme la forêt fût naguère si activement habitée, la présence d’un grimpeur là où se tenait autrefois un berger semble augurer d’un usage désormais ludique et récréatif du paysage. de la grande majorité des espace ».

G. Bonnel