guillaume bonnel photographie

OBSERVATOIRE PHOTOGRAPHIQUE DES PAYSAGES D'ILLE-ET-VILAINE

Commande en co-maîtrise d’ouvrage pour le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine et la DDTM Ille-et-Vilaine, itinéraire de 99 points de vues réalisé en 2018-2019. Reconduction en 2022-2023. Exposition « Paysages imminents » du 15 mars au 26 mai 2023, aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine. Ouvrage « D’après photographies » publié chez Filigranes en 2023.

Site de l’Atlas des paysages du Département d’Ille-et-Vilaine.

Extrait du rapport de présentation du carnet de route

Les lentes mutations du bocage

Le premier constat visuel qui s’opère lors de l’arpentage initial du territoire départemental est l’omniprésence du maillage bocager. Une fois cette observation faite, il est possible de se laisser gagner par une impression de monotonie de ces paysages, qui peuvent sembler se dérouler de manière assez systématique. Pourtant un examen plus minutieux révèle en réalité une grande variété de nuances formelles, qui tiennent à plusieurs facteurs.

Ces variations sont liées essentiellement à la régularité et à la pérennité de l’entretien dont il est l’objet. Ainsi les paramètres comme la dimension des parcelles, l’entretien des ragosses et des haies, le passage à la culture céréalière et les pratiques de labours autour des arbres isolés maintenus ou non créent autant de variantes évolutives des formes bocagères. La photographie diachronique semble particulièrement adaptée à caractériser ces paysages particulièrement mouvants à moyen terme, en suivant leur lente mutation.

Un phénomène fréquent est celui de la reformulation symbolique des attributs du bocage dans des formes nouvelles, liées notamment à la production de logements. Il n’est pas rare en effet de voir un lotissement construit sur une ancienne parcelle bocagère en conserver certains attributs, comme une haie d’arbres, ou un ensemble d’arbres isolés, pour structurer l’espace.

La question se pose alors de l’entretien de ces éléments de bocage reconvertis en « décors » et coupés de leur fonction originelle : constitution d’associations d’usagers reprenant la taille des ragosses, abandon de la taille et croissance des arbres, conflits avec les usages des riverains…? La question est posée ici de l’évolution de la fonction des paysages, l’intérêt de la présence des arbres comme régulateurs climatiques était déjà présente dans le fonctionnement du bocage, et prend un nouveau visage dans les zones d’habitat individuel.

Les lotissements dans lesquels ces reliquats de bocage ont été conservés sont en général mieux intégrés au paysage environnant, ne serait-ce que parce qu’ils en conservent et réinterprètent une partie de l’histoire.

Un autre cas de figure se rencontre très souvent, celui du maintien d’une haie dans le but de constituer un écran visuel masquant un lotissement situé en limite de partie urbanisée d’une commune. Dans ce cas la taille des arbres est perpétuée par l’exploitant limitrophe, et la forme bocagère se maintient, mais change simplement de fonction, ou gagne une fonction nouvelle…

Enfin il faut évoquer un aspect particulier des mutations du bocage et de leur perception. Elles s’opèrent de manière incrémentale, une parcelle après l’autre, parfois en les réunissant pour les agrandir. Il y a donc une sorte de point de basculement au-delà duquel le paysage perd son aspect majoritairement bocager pour ressembler davantage à un paysage plus banal de culture céréalière. Lorsque les haies sont maintenues elles rappellent alors un état précédent du paysage, en soulignant une sorte d’effet de damier faisant varier les ambiances paysagères et chromatiques.

G. Bonnel