guillaume bonnel photographie

ORTHÈSES

Photographies argentiques, impressions pigmentaires 60×75 cm sur photo rag 308 g. Ouvrage « Orthèses » paru en juillet 2017 chez ARP2 avec une préface de Raphaële Bertho. Série sélectionnée pour la Bourse du talent #48 espace/paysage, et exposée à la BnF à Paris en 2012. Exposition au Festival « L’image publique, paysages et territoire » de Rennes en octobre et novembre 2012. Exposition au Pavillon de l’architecture de Pau avec le Centre d’Art Image/ Imatge en décembre 2013 et janvier 2014.

La montagne a été l’un des premiers théâtres d’une orthopédie du paysage à grande échelle, sous l’égide du service de restauration des terrains de montagne, vers la fin du XIXème siècle. La raison de l’ingénieur a entendu par là contenir une nature impétueuse en la canalisant par la force. 

Les ouvrages réalisés à cette fin s’apparentent le plus souvent à de gigantesques orthèses. Ils sont là pour corriger, retenir, parfaire, renforcer… Leur fonction sécuritaire les a projetés dans le paysage de manière brutale et conflictuelle, sans souci d’esthétique ni d’intégration au sens où on l’entendrait aujourd’hui. Le béton et le métal y sont laissés bruts. La fonction et l’ouvrage se confondent dans un geste architectural efficace, dénué de tout ornement. 

Ces ouvrages, dont les plus anciens font désormais patrimoine, caractérisent un état particulier de notre relation à l’espace dont ils figurent une sorte de cas extrême. À côté de l’agriculture, des déplacements, ou de l’urbanisme, ils fabriquent un paysage basé sur un postulat quasi démiurgique : celui d’une restauration (du latin restaurae : rebatir, réparer, refaire) appliquée à l’échelle des éléments naturels. Les images tentent de saisir ces actes de jardinage démesuré en filant la métaphore corporelle dont ils sont imprégnés. Derrière le lexique technique du génie civil qui s’emploie à les qualifier (virevent, toit-buse, claie, étrave, ratelier…) ces ouvrages humanisent un univers hostile comme on soigne le corps humain : ici en suturant, là en drainant, ailleurs en enveloppant. 

La montagne que montrent ces images apparaît comme un espace en tension où nos schémas de pensée et d’action sur l’espace s’affichent comme dans un grand livre ouvert. Les paysages fabriqués par l’homme y sont à la fois défensifs et brutaux, marqués par le rapport de force. Mais ils sont aussi touchants et fragiles dans leur dérisoire volonté de contrôle.

G. Bonnel