guillaume bonnel photographie

MÉTAPICTIONS I : L'HORIZON DES ÉVÉNEMENTS

Photographies numériques. Projet proposé à l’Auberge des Dauphins, maison de site de la forêt de Saoû, lors de l’exposition « Traversées photographiques » du  2 juillet au 6 novembre 2022.

 La notion de « metapiction » selon William John Thomas MITCHELL  caractérise une image capable d’énoncer sa propre théorie visuelle et de représenter le « savoir propre des images »  (Maxime BOIDY : « Les études visuelles » Presses Universitaires de Vincennes, 2017, pages 50 et 51). L’expérimentation proposée ici consiste à montrer dans une seule image plusieurs états successifs du paysage. 

L’expérience, normalement impossible pour le cerveau humain, est rendue ici plausible par le puissant effet de réalité des images. Pour Roland Barthes en effet « Quoi qu’elle donne à voir et quelle que soit sa manière, une photo est toujours invisible : ce n’est pas elle qu’on voit ». On voit d’abord en effet son référent, ce qu’elle représente, et non la façon dont elle le fait. Ainsi, en voyant une photographie de paysage, l’observateur se dit d’abord : « ce paysage a existé ». Ce constat engloutit et annihile tout à la fois le regard du spectateur. La photographie en elle-même, sa forme, ses partis pris esthétiques, sa grammaire et son langage propres… semblent comme une enveloppe « transparente et légère » que l’effet de réalité a submergé avec la force de son évidence. 

Cet a priori, qui nous fait tenir le référent vraisemblable de l’image pour la réalité elle-même, est ici poussé à l’extrême pour tromper quelque peu le spectateur. Car les images, ces « blocs d’espace-temps » que Gille Deleuze voyait dans les tableaux, ont d’abord été collisionnées entre elles, comme des protons dans un accélérateur de particules. De cette désintégration résulte une image asynchrone, qui fait coexister artificiellement des séquence temporelles disjointes.

L’effet de réalité de la photographie y survit tant bien que mal, et les images, suscitant toujours ce sentiment d’évidence, tiennent encore debout. Elles sembleraient même y gagner un nouveau pouvoir, plus illusoire encore, celui d’embrasser d’un même regard le passé et le présent…

G. Bonnel